Docteur Venki RAMAKRISHNAN
Lauréat du Prix Louis-Jeantet de médecine 2007

Les informations ci-après se réfèrent à la date de la remise du Prix.

D’origine indienne et de nationalité américaine Venki RAMAKRISHNAN est né en 1952. Il travaille en Grande-Bretagne depuis 1999 et il est aujourd’hui le directeur-adjoint de la Division des études structurales du Laboratoire de biologie moléculaire du Medical Research Council, à Cambridge. Il est Fellow de la Royal Society et de l’Académie nationale américaine des sciences et membre de la European Molecular Biology Organization.

Recherches sur le ribosome et leurs débouchés thérapeutiques

Logés au sein des cellules, les ribosomes sont de véritables usines de fabrication des protéines, ces molécules indispensables au fonctionnement de tous les organismes vivants.

Apparus très tôt au cours de l’évolution des espèces, les ribosomes sont présents aussi bien dans les micro-organismes que dans les cellules humaines, mais sous des formes légèrement dissemblables. Ces différences sont exploitées par les antibiotiques qui bloquent les ribosomes bactériens, sans affecter pour autant ceux des humains.

Venki RAMAKRISHNAN et son équipe ont obtenu des images à haute résolution de la structure atomique du ribosome – c’est-à-dire de l’arrangement, dans l’espace, de ses atomes. Cela leur a permis de saisir les mécanismes intimes de la traduction des protéines et, plus spécifiquement, de repérer les sites sur lesquels se fixaient les antibiotiques. Ils ont ainsi pu mieux comprendre comment ces médicaments altéraient le fonctionnement du ribosome.

Cette recherche très fondamentale est d’une extrême importance pour la médecine. Un meilleur ciblage du ribosome des bactéries permettrait de mieux épargner le ribosome des humains et d’atténuer ainsi certains effets secondaires liés aux antibiotiques. Il devrait également permettre de lutter contre le développement des résistances bactériennes, comme par exemple la résistance aux antituberculeux.

Venki RAMAKRISHNAN utilisera le Prix Louis-Jeantet de médecine pour renforcer son groupe en personnel et en équipement.

Du ribosome à la résistance des bactéries aux antibiotiques

La machinerie cellulaire

Logés au sein des cellules, les ribosomes sont des éléments essentiels de la machinerie cellulaire. C’est en effet dans ces unités cellulaires que l’information génétique contenue dans l’ADN est traduite en une chaîne d’acides aminés qui forme les protéines.

Les gènes peuvent être considérés comme de longues phrases écrites avec des mots de trois lettres choisies dans un «alphabet» de quatre «bases»: adénine, cytosine, guanine et thymine (ou A, C, G et T). Les protéines utilisent quant à elles un tout autre «alphabet», puisqu’elles sont faites d’un assemblage d’une vingtaine d’acides aminés. Les instructions génétiques doivent donc être «traduites» pour conduire à la synthèse des protéines. C’est dans le ribosome que cette opération s’effectue: c’est là que le gène, après avoir été «copié» sous forme d’acide ribonucléique messager (ARNm), est transcrit par des ARN de transfert (ARNt) en termes d’acides aminés, dont l’enchaînement conduit à la formation d’une protéine (voir figure 1).

Les ribosomes sont constitués de deux sous unités : une petite, nommée «30S» et une plus grosse, nommée «50S», dans laquelle les protéines sont produites. Ensemble, ces deux sous unités forment la structure complète dite «70S».

Le ribosome et les antibiotiques

Formés eux-mêmes de longues chaînes d’ARN et de plusieurs protéines, les ribosomes sont apparus très tôt dans l’évolution. Ils tirent vraisemblablement leur origine de formes de vie très primitives dont le patrimoine génétique était principalement constitué d’ARN, plutôt que d’ADN.

Les ribosomes des bactéries et ceux des organismes plus évolués ne sont pas tout à fait semblables. Ces différences sont exploitées dans le domaine thérapeutique puisque de nombreux antibiotiques peuvent bloquer les ribosomes bactériens, sans pour autant affecter leurs équivalents humains.

C’est dire que pour améliorer l’action des antibiotiques, il est essentiel de comprendre comment fonctionnent les ribosomes et comment les médicaments antibactériens se fixent à eux. Dans ce domaine, les images à hautes résolutions obtenues par Venki Ramakrishnan ont permis de réaliser d’importantes avancées.

Les images à haute résolution

En 2000, Venki Ramakrishnan et ses collègues ont décrit la structure atomique de la petite sous unité du ribosome bactérien, c’est-à-dire l’arrangement de ses atomes dans l’espace. A cette fin, ils ont irradié des cristaux de la sous unité 30S avec de puissants faisceaux de rayons X produits par des synchrotrons. Ils ont ensuite utilisé des logiciels qui, à partir des rayons X diffusés par les cristaux, ont reconstitué une image 3D de cette sous unité.

Grâce à ce processus, les chercheurs ont pu visualiser l’arrimage des antibiotiques sur la sous unité 30S. Ils ont ainsi constaté que les médicaments se fixent à des sites particuliers du ribosome dont ils bloquent le fonctionnement (figure 2). Ils ont aussi montré que le ribosome contribuait à assurer une correspondance correcte entre l’ARNt et l’ARNm, améliorant la précision de la synthèse des protéines. En interférant avec ce processus, ou en l’altérant, les antibiotiques peuvent donc pousser le ribosome à faire des erreurs.

Continuant sur leur lancée, Venki Ramakrishnan et ses collègues ont élucidé, en 2006, la structure à haute résolution de l’intégralité du ribosome bactérien. Ils ont ainsi pu décrire les interactions entre le ribosome et les différents ARN (messager et de transfert)  (figure 3). Ils ont aussi expliqué comment les deux sous unités (30S et 50S) s’associaient, en partie avec l’aide d’ions magnésium.

Des antibiotiques réhabilités ?

Sur le plan fondamental, les travaux de Venki Ramakrishnan apportent des informations fort utiles sur les mécanismes qui gouvernent la synthèse des protéines. Mais ils pourraient aussi avoir des applications thérapeutiques intéressantes dans la mesure où les ribosomes sont des éléments essentiels à l’action des antibiotiques.

On le sait, des prescriptions inappropriées de médicaments de ce type ont conduit au développement d’un phénomène très inquiétant : de nombreux micro-organismes sont devenus résistants aux antibiotiques qui, de ce fait, sont maintenant inefficaces. Tel est notamment le cas de la streptomycine. Longtemps utilisé pour traiter la tuberculose, cet antibiotique s’est révélé inutilisable, non seulement à cause de ses effets secondaires, mais aussi parce que les bacilles sont devenus insensibles à son action. Dans la mesure où la streptomycine agit sur le ribosome, on peut espérer qu’une meilleure connaissance de cette particule pourra permettre de retourner la situation. C’est un exemple, parmi bien d’autres, de l’impact thérapeutique potentiel des travaux de Venki Ramakrishnan.

Le biologiste compte d’ailleurs poursuivre ses travaux sur le ribosome. Il utilisera le montant du Prix Louis-Jeantet pour piéger cette particule aux différents stades du processus de synthèse des protéines, afin de déterminer les différentes formes qu’elle adopte à chacune de ces étapes. Il compte aussi élucider la structure de ribosomes appartenant à divers organismes plus évolués, qui synthétisent les protéines par des processus plus complexes que ceux utilisés par les bactéries.

ramakrishnan figure 3

Figure 1
Processus de traduction de l’information génétique
en protéine, dans le ribosome

Le ribosome renferme deux sous unités. La plus petite, nommée 30S, se lie à l’ARNm (ARN messager) qui renferme les instructions génétiques nécessaires à la synthèse d’une protéine. C’est dans la seconde, nommée 50S, qu’est produite la chaîne d’acides aminés qui forme la protéine.

Chaque ARNt (ARN de transfert) «lit», trois par trois, les lettres formant l’ARNm. Chacun de ces groupes de trois «bases», nommé codon, conduit à l’insertion d’un acide aminé spécifique.

Chaque sous unité du ribosome renferme par ailleurs des compartiments dans lesquels se fixent les molécules d’ARNt. Le site P contient l’ARNt1 lié au premier acide aminé (AA1). Puis l’ensemble ARNt2-AA2 se fixe au site A et l’AA1 est transféré de l’ARNt1 à l’AA2. Les ARNt1 et 2 et l’ARNm se déplacent alors par rapport au ribosome, de telle sorte que l’ARNt1 est maintenant sur le site E, l’ARNt2 sur le site P et un nouveau codon de l’ARNm est exposé sur le site A. L’ARNt3 entre sur le site A portant l’acide aminé AA3 et l’ARNt1 est éjecté du site E. Ce procédé se répète jusqu’à ce que, sur l’ARNm, apparaisse un codon portant le message «stop».

Figure 1

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Figure 2 
Structure atomique de la sous unité 30S du ribosome
Cette image 3D à haute résolution permet de repérer les compartiments de la sous unité 30S auxquels se fixent trois antibiotiques: la spectinomycine, la streptomycine et la paromomycine. Chaque médicament bloque une fonction vitale du ribosome.

Figure 2

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Figure 3 
Structure atomique de l’intégralité du ribosome
La structure atomique de l’ensemble du ribosome a été obtenue par cristallographie aux rayons X à haute résolution. La partie supérieure correspond à la sous unité 50S et la zone inférieure à la sous unité 30S. Les trois ARNt (ceux des sites A, P et E, voir figure 1) sont localisés à l’interface des deux sous unités.

Dr Venki RAMAKRISHNAN
Structural Studies Division
MRC Laboratory of Molecular Biology
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http://www.mrc-lmb.cam.ac.uk/ribo/homepage/ramak/index.html