Professeur Sir Alec J. JEFFREYS
Lauréat du Prix Louis-Jeantet de médecine 2004

Les informations ci-après se réfèrent à la date de la remise du Prix.

Citoyen britannique, né en 1950, Alec J. JEFFREYS est le Royal Society Wolfson Research Professor au Département de génétique de l’Université de Leicester.

Le génome humain est composé de 3 milliards de bases ou lettres chimiques. Malgré une transmission fidèle de cette information héritée à chaque génération, le génome comprend un grand nombre de petites variations qui font que chaque individu est unique. Alec J. JEFFREYS étudie quand, où et par quels mécanismes sont générées ces variations. Il a d’abord découvert de simples mutations de bases, nommées RFLPs, suffisamment nombreuses pour permettre d’identifier l’origine maternelle ou paternelle des gènes et établir des cartes génétiques. Il a ensuite découvert les minisatellites qui consistent en de courtes séquences répétées dont la longueur varie fréquemment. Sur la base de cette découverte, il a créé la méthode de l’empreinte génétique qui est actuellement utilisée dans le monde entier en médecine légale pour identifier les individus. Alec J. JEFFREYS a également abordé de façon radicalement novatrice l’étude des règles qui régissent la recombinaison de l’ADN pendant la méiose. Il a ainsi découvert que les échanges réciproques d’ADN maternel et paternel se font en des endroits privilégiés du génome.

Avec les moyens mis à disposition par le Prix Louis-Jeantet de médecine, Alec J. JEFFREYS souhaite étudier plus en détail les mécanismes qui régissent la recombinaison de l’ADN lors de la méiose, ainsi que d’autres formes de mutagenèses qui contribuent à la diversité et à l’évolution du génome humain. Ceci contribuera directement à notre compréhension de l’origine des maladies génétiques, ainsi qu’à celle des origines de l’espèce et des populations humaines. Alec J. JEFFREYS prévoit d’agrandir son équipe par l’engagement d’un nouveau collaborateur.

Notice biographique

De nationalité britannique, le professeur Alec Jeffreys est né en 1950. Il a fait ses études de biochimie à l’Université d’Oxford où il obtient son doctorat en 1975. Il effectue son stage postdoctoral dans le laboratoire de Piet Borst au Département d’enzymologie médicale et de biologie moléculaire de l’Université d’Amsterdam. En 1977, il rejoint le Département de génétique à l’Université de Leicester où il est nommé professeur en 1987. Sir Alec est membre de la Royal Society depuis 1986. Il est nommé Royal Society Wolfson Research Professor en 1991. Il est également membre de l’EMBO, de l’Academia Europaea et de l’American Academy of Foresinc Sciences. Il a reçu de nombreux prix et médailles depuis 1985, notamment la Davy Medal de la Royal Society en 1987 et l’Australia Prize en 1998. En 1994, il a reçu le titre de chevalier de la couronne pour services rendus à la génétique.

La diversité humaine

Nous sommes tous génétiquement uniques, grâce au grand nombre de sites variables dont nous héritons avec les 3’000’000’000 de bases ou lettres chimiques qu’utilise notre ADN pour écrire notre « livre de la vie ». En 1978, Alec Jeffreys fut un des premiers à utiliser une science alors émergente, la génomique, pour étudier les variations de l’ADN humain. Il a ainsi découvert une forme de variations, appelées « RFLPs », qui sont le résultat de modifications de la séquence des bases dans notre ADN. Il a pu montrer que ces variations sont fréquentes – nous savons aujourd’hui qu’il existe environ 10’000’000 sites différents où la séquence d’ADN peut varier d’une personne à l’autre. Il a ensuite montré que d’autres régions de l’ADN humain sont sujettes à des variations beaucoup plus fréquentes encore que celles relevées dans le cas des RFLPs. On observe dans ces régions, dénommées les minisatellites, une particularité curieuse, soit des répétitions de courtes séquences. Et c’est la variation du nombre de ces répétitions qui est à l’origine de la différence entre les individus. Cette découverte a conduit, presque accidentellement, Alec Jeffreys à mettre au point, en 1984, la technique de l’empreinte génétique, qui permet, en principe avec un seul test, de distinguer chaque individu sur terre (à l’exception des vrais jumeaux). L’impact qu’a eu l’empreinte génétique sur les méthodes d’identification des individus lors d’investigations criminelles et en médecine légale est sans précédent et elle reste à ce jour une des applications les plus connues de la génétique moléculaire.

Connaître l’origine de toute variation génétique constitue le point central dans la recherche d’Alec Jeffreys. Les variations génétiques sont en définitive le résultat de deux processus. Le premier est la mutation, qui crée des changements dans notre ADN pouvant être transmis aux générations futures. L’ADN peut muter de nombreuses différentes façons (voir figure 1). Chaque mutation peut produire soit des dissemblances bénignes entre les individus, soit des changements pathologiques à l’origine de maladies héréditaires. Le second processus est la recombinaison, dans laquelle les copies maternelle et paternelle d’une région donnée de l’ADN s’apparentent et échangent leur information lors de la formation des spermatozoïdes ou des oocytes (voir figure 1) – les recombinaisons peuvent parfois échouer et provoquer ainsi des réarrangements de l’ADN, causes de maladies héréditaires.

Mutation et recombinaison sont des processus très importants. Leur rôle peut être illustré par une analogie avec les jeux de cartes: sans mutation toutes les cartes seraient pareilles et sans recombinaison il n’y aurait pas d’échange entre les jeux. Les deux processus sont donc nécessaires au bon déroulement du jeu de l’évolution de l’espèce humaine. Ils sont cependant tous deux très difficiles à étudier chez l’être humain. L’approche traditionnelle consiste à comparer des enfants avec leurs parents et à identifier les mutations ou les sites de recombinaison. Dans les deux cas l’opération est ardue – 10’000 enfants devraient pouvoir être étudiés pour ne détecter qu’une seule mutation ou recombinaison dans un gène spécifique. Alec Jeffreys a résolu le problème posé par la petite taille des familles en développant des approches alternatives qui permettent de détecter ces événements non plus par une étude des enfants mais par l’analyse de milliers, voire de millions de spermatozoïdes (voir figure 2). Il a déjà utilisé de telles approches pour révéler la façon complexe dont les minisatellites mutent – en fait par des recombinaisons anormales – et il les utilise actuellement pour caractériser les lois fondamentales qui régissent les recombinaisons de l’ADN humain et la façon dont ces dernières influencent la diversité génétique des populations humaines. A plus long terme, il tentera d’étendre ses recherches à d’autres types de mutations incluant les « séquences d’ADN sauteuses » et les mutations affectant des bases individuelles de l’ADN.

Cette recherche fondamentale a pour but d’élucider la dynamique de l’évolution de l’ADN humain et les facteurs qui influencent l’intégrité de cet ADN, lors de sa transmission d’une génération à l’autre. Elle permettra également d’éclairer d’un jour nouveau la nature de la diversité génétique de l’être humain, les origines de notre espèce et des diverses populations humaines, ainsi que les altérations pathologiques qui s’opèrent dans l’ADN humain.

Figure 1. Notre génome turbulent : quelques-uns des divers processus par lesquels une mutation ou une recombinaison entre une région paternelle (en noir) et une région maternelle de l’ADN (en rouge) peut modifier la séquence de l’ADN, le nombre des gènes (cases pleines) ou la longueur des séquences répétées de l’ADN (cases hachurées). Un autre processus, la transposition, génère de nouvelles copies de « séquences d’ADN sauteuses » (cases ombrées). Certains de ces changements demeureront sans conséquence, alors que d’autres pourront avoir des effets dévastateurs. 

Figure 2. Détection de mutations de minisatellites dans une famille ou dans les spermatozoïdes. On constate deux versions différentes du minisatellite pour chaque membre de la famille, chaque enfant héritant une copie de la mère (cercle) et une copie du père (carré). Le dernier enfant de la famille montre une mutation d’origine paternelle (flèche). Les spermatozoïdes ont été analysés par groupe de 100, en cherchant les mutations dans les molécules d’ADN contenant le minisatellite, après avoir amplifié ces dernières. On peut observer ainsi de nombreuses molécules ayant muté. Pour détecter un nombre égal de mutants dans une famille, il eût fallu que le père ait engendré 1800 enfants.  

Professeur Sir Alec John JEFFREYS
University of Leicester
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